Les néons du supermarché ont quelque chose de cru, d’impitoyable. Ils dévoilent tout, la fatigue sur les visages, les vêtements trop vite enfilés, les gestes mécaniques d’hommes et de femmes absorbés par leur liste de courses. J’aime me glisser dans cet univers terne, m’y imposer comme une anomalie, un éclat de trouble dans leur routine bien rangée.
Ce soir, je veux sentir le regard d’un inconnu peser sur ma peau, deviner ce moment exact où l’envie naît dans ses yeux. Je déambule lentement, laissant mon corps parler pour moi. Une jupe légère, un chemisier qui s’ouvre juste assez pour suggérer, pas pour offrir. Je ne suis pas pressée. Le jeu commence bien avant les mains qui se cherchent.
Je l’aperçois enfin, penché sur un étal de fromages. Il a ce quelque chose d’un homme absorbé par sa propre solitude. Il ne fait pas que choisir un camembert, il réfléchit. Il est ailleurs. Je veux l’en arracher.
Son jean épouse bien ses hanches. Ses épaules sont larges sous son pull sombre. Il a cette nonchalance maîtrisée, celle des hommes qui ne se forcent pas à séduire, mais qui en ont le pouvoir. Son cou, légèrement tendu alors qu’il lit une étiquette, m’attire irrésistiblement. J’imagine déjà la chaleur de sa peau sous mes lèvres, la façon dont il basculerait légèrement la tête en arrière si je l’embrassais là, juste sous la mâchoire.
Je m’approche. Il ne me voit pas encore. Je veux ce moment où il lèvera les yeux et me découvrira, ce court instant de flottement où il ne saura pas s’il rêve ou s’il est vraiment en train d’être abordé par une femme qui ne veut pas seulement discuter.
Je fais semblant d’hésiter, frôle son bras en me penchant pour attraper un fromage. Un contact infime, une chaleur qui glisse de lui à moi. Il se redresse, un peu surpris. Son regard s’accroche au mien, et je le sens immédiatement : il m’a remarquée.
— Vous avez l’air d’un homme qui s’y connaît, dis-je d’une voix basse, presque complice. Vous me conseilleriez quoi avec ça ?
Il baisse les yeux vers le fromage que je tiens, puis vers moi. Je le vois hésiter entre mon visage et l’ouverture discrète de mon chemisier. Il ne sait pas encore où regarder, mais il sait déjà qu’il a envie de regarder.
— Ça dépend… Vous aimez plutôt les rouges tanniques ou quelque chose de plus doux ?
J’effleure mon cou du bout des doigts, jouant inconsciemment avec la chaînette fine que je porte.
— J’aime quand ça a du corps… mais pas quand ça écrase tout le reste.
Ma voix est plus basse que nécessaire, un murmure qui semble glisser contre lui. Il inspire légèrement, comme pour reprendre contenance.
— Un Saint-Émilion, alors, dit-il en se raclant la gorge. Élégant, mais avec de la profondeur.
Élégant, mais avec de la profondeur. Je me demande s’il parle vraiment du vin ou s’il devine déjà ce qui est en train de se jouer.
— Ça me plaît, soufflé-je en replaçant une mèche de cheveux derrière mon oreille.
Je laisse un silence, un souffle suspendu. Le moment où tout peut encore basculer d’un côté ou de l’autre. Il pourrait sourire poliment et s’éloigner, ou il pourrait comprendre.
Il comprend.
— Vous aimez cuisiner ? je demande.
— Quand j’ai le temps.
— Et ce soir, vous en avez ?
Je le vois chercher une échappatoire, une excuse. Une femme, peut-être. Un programme prévu. Mais je suis là, bien réelle, et son corps a déjà trahi l’envie qui s’immisce en lui.
Je pose ma main sur le bord du chariot, juste assez près pour qu’il sente ma présence, juste assez loin pour ne pas être intrusive.
— Parce que j’ai une bouteille et du fromage… Il ne manque plus qu’un bon accord.
Un léger sourire se dessine sur ses lèvres. Il observe encore mon visage, comme s’il cherchait un piège. Mais il n’y en a pas. Seulement une évidence.
— Vous êtes toujours aussi directe ? demande-t-il.
— Seulement quand je sais ce que je veux.
Le silence s’étire encore une seconde, puis il cède. Je le vois dans la façon dont il redresse légèrement les épaules, dont son regard s’accroche un peu plus au mien.
— Dans ce cas… on pourrait essayer de bien assortir ce camembert.
Je souris, lentement. Ce soir, je ne dormirai pas seule.
Nous avançons ensemble vers les caisses, nos chariots côte à côte. Il n’a rien dit de plus depuis que j’ai suggéré de partager cette bouteille et ce fromage, mais je sens sa présence différemment maintenant. Comme si quelque chose de plus dense s’était installé entre nous.
Dans la file d’attente, je feins de m’intéresser à mon téléphone, mais je l’observe du coin de l’œil. Il est un peu tendu. Il sait que quelque chose est en train de se jouer, mais il ne sait pas encore jusqu’où cela va aller.
Devant nous, un couple dîne déjà avec leurs yeux sur leurs téléphones. Ils ne se regardent même plus. Un frisson me parcourt. Non, je ne veux pas de ça.
Un pas. Je me rapproche imperceptiblement. Ma hanche frôle la sienne. Un contact léger, qui pourrait être accidentel. Il ne bouge pas.
J’effleure la lanière de mon sac, distraitement, et mon coude vient se poser un instant contre son bras. Une pression à peine perceptible, mais il la sent. Je le vois dans la façon dont il se redresse légèrement, comme s’il essayait d’ignorer ce que son corps comprend déjà.
J’attrape une bouteille d’eau fraîche dans le bac à côté de nous et la presse doucement contre mon cou.
— Il fait une chaleur insupportable, murmuré-je, plus pour moi-même que pour lui.
Il tourne la tête vers moi, et son regard descend le long de mon cou, où quelques gouttes perlent sur ma peau. J’ai chaud, oui, mais pas seulement à cause de la canicule.
Nous avançons. Il pose ses articles sur le tapis. Moi aussi. Nos mains se croisent alors que je dépose ma bouteille de vin. Un frisson me traverse lorsque son avant-bras effleure le mien. Il ne recule pas.
Je règle mes courses, il règle les siennes. Nous récupérons nos sacs. Il hésite une seconde. Moi, non.
— Mon coffre est minuscule, soupiré-je. Il ne va jamais tout contenir.
Il arque un sourcil.
— La banquette arrière, peut-être ?
Je secoue la tête en riant doucement.
— Je crois qu’il va falloir qu’on prenne ta voiture.
C’est moi qui décide. Depuis le début. Il le sait.
Il hésite, un instant à peine, puis hoche la tête.
— D’accord.
Nous sortons ensemble, l’air brûlant nous écrase aussitôt. L’asphalte du parking ondule sous la chaleur. La climatisation du supermarché nous a menti : dehors, c’est un four.
— Quelle horreur… soufflé-je en éventant mon cou d’une main.
Je sens la moiteur sous ma nuque, le tissu de ma jupe qui colle un peu à mes cuisses. Je la tire discrètement d’un geste du poignet. Je suis moite, fébrile, et je le sens marcher à côté de moi, son pas à peine ralenti.
Il ouvre le coffre de sa voiture. L’air brûlant en sort comme une vague.
— Ça va être infernal là-dedans, murmuré-je.
J’effleure mon ventre, juste sous ma poitrine, comme pour y chasser la chaleur. Mon chemisier est devenu une seconde peau, et sous ma jupe, la sensation est presque insupportable.
Il referme le coffre et s’arrête un instant.
— La clim devrait rafraîchir vite.
Je penche la tête sur le côté, joueuse.
— Espérons que ce soit assez rapide…
J’ouvre la portière et me glisse à l’intérieur. L’habitacle est une fournaise. Mon souffle est plus court. Mes cuisses effleurent le cuir brûlant. Je m’y enfonce, lentement. L’idée de cette chaleur contre ma peau me trouble plus que je ne l’aurais cru.
Il s’installe à son tour. Nos respirations sont plus lourdes. Il met le contact, la clim démarre, mais ce n’est pas immédiat. Nous devons attendre.
Je croise les jambes lentement, ma jupe remontant juste un peu trop. Nos regards se croisent, et cette fois, il n’y a plus de doute possible.
La chaleur n’est plus seulement dehors.
L’habitacle est un piège. Une bulle de chaleur où l’air est trop dense, chargé de moiteur et d’attente. Le souffle de la clim peine encore à chasser la brûlure du cuir sous mes cuisses. Je ne sais même plus si je veux qu’elle le fasse.
Je croise et décroise les jambes lentement, sentant le tissu léger de ma jupe caresser ma peau, s’accrocher un peu, glisser à nouveau. Chaque mouvement est une provocation silencieuse. Je le sens tendu à côté de moi, ses mains serrées sur le volant, son regard braqué droit devant. Comme s’il luttait contre quelque chose.
Mais je veux qu’il cède.
Je fais mine de soupirer, d’un geste nonchalant, et je détache un bouton de mon chemisier. Juste un. Un tout petit geste. Presque rien. Pourtant, je le vois déglutir. Son poing se resserre légèrement sur le levier de vitesse.
— Ça va ? murmuré-je d’une voix douce, innocente en apparence.
Il tourne la tête vers moi, enfin, et cette fois, il ne fait plus semblant. Son regard effleure mon cou, la peau luisante de chaleur, l’arrondi de ma clavicule. J’attends. J’attends qu’il fasse le premier pas, qu’il ose.
Mais il hésite encore.
Alors c’est moi qui bouge la première.
Lentement, comme par accident, je laisse ma main glisser sur sa cuisse. À travers le tissu de son jean, je sens la tension sous ma paume. Il est brûlant lui aussi. Son souffle s’accélère à peine, presque imperceptiblement.
Il ne me repousse pas.
Je continue. Mes doigts tracent un chemin, une ligne invisible qui s’aventure plus haut, vers l’intérieur de sa jambe. Une caresse feutrée, juste ce qu’il faut pour qu’il comprenne où je veux en venir.
Il ferme les yeux une fraction de seconde. Je l’imagine peser le pour et le contre, chercher une raison de s’arrêter. Mais quand il rouvre les paupières, il n’y a plus de doute en lui.
Son regard brûle.
Il lâche le volant et tourne son corps vers moi. Ses doigts trouvent mon poignet, l’arrêtent un instant, non pour me repousser, mais pour me garder là, suspendue. L’attente est insupportable, délicieuse.
Puis, enfin, il bouge.
D’un mouvement brusque, il me saisit par la nuque et m’attire contre lui. Sa bouche trouve la mienne, avide, urgente. La chaleur extérieure n’est rien comparée à celle de nos corps qui se cherchent, se reconnaissent.
Je gémis contre ses lèvres en sentant ses doigts s’enfoncer dans ma peau, comme s’il avait peur que je lui échappe. Mais je n’ai aucune intention de partir.
Je veux plus.
Ma main, toujours entre nous, descend sur sa braguette. Je la devine tendue sous le jean, contrainte, impatiente.
Un murmure s’échappe de lui, rauque, lorsqu’il sent mes doigts effleurer le tissu.
Et là, dans cette voiture brûlante, au milieu d’un parking déserté, il n’y a plus de place pour l’hésitation. Je défais un à un les boutons de son jean son slip semble bien trop petit pour contenir sa queue tendue, belle, appétissante.
— ça c’est mon entrée préférée. Je vais me régaler. Et après tu m’emmène chez toi pour le plat principal. Ok ?
Je ne lui laisse pas le temps de répondre et le prend dans ma bouche. Il se laisse sucer, ose même poser sa main sur ma nuque. Comme à mon habitude je suce lentement, jouant de la langue sans jamais le laisser complètement m’échapper des lèvres. Quand il se raidi j’accélère un peu pour le faire venir et avaler bien proprement son fourré délicieux. Je reste là têtes sur ses cuisses quand il démarre. Je ne sais pas où il habite, ni meme son prénom. Mais je le laisse m’emmener.
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